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[L.C]
13 août 2012

VI. Aleksandar - I ère partie

Automne 2010.

Cette saison est vraiment, pour moi, la pire de toutes. C’est la saison des fins de vies, aussi bien végétales qu’humaines. Ce n’est pas pour rien qu’on fête la Toussaint bientôt.

Il fait un temps bien pratique pour déprimer, pour réfléchir, pour s’ennuyer. Ces trois verbes n’ont jamais été aussi utiles les uns aux autres.

Avant de partir, Rémy m’a gentiment conseillé de lui trouver un successeur. Quelle classe. Il doit déjà s’éclater sans moi. Il m’a laissé une adresse pour un autre site de rencontre, le site Z.

Bien plus fréquenté et bien plus connu, le site Z a le don de répertorier tous les types d’hommes dont je ne veux pas. De l’artiste incompris à ceux qui se croient supérieurs rien que par leur photo de profil, de la bouche cul de poule dans le miroir aux shemales, on a de tout. C’est la galerie des pédés, dans l’excellence.

Je dois être homophobe sur certains points. J’ai vraiment du mal avec ceux qui ne respectent pas l’image de la sexualité que nous partageons.

C’est fou comme personne ne me plaît. Je trouve toujours un défaut me permettant de quitter la page, tout en sachant que si ceux-ci avaient vu la mienne, ils seraient partis dès le début. Bref.

Il faut que je tourne cette putain de page, j’en ai vraiment envie. Il n’est plus dans ma vie, lui, ce n’était que deux mois. Que deux mois… Je ne l’ai aimé vraiment qu’un peu. Qu’un peu...

À force d’envie et d’abnégation, je parviens sur une page mystérieuse. 17 ans. Photo sombre, dans la nuit, mais une tête apparemment agréable à regarder. On voit rien, putain. Des défauts en commun, j’aimerais bien en savoir plus.

Il s’appelle Aleks, apparemment. Je l’agresse gentiment de messages, j’y vais pas à moitié. Ça n’a pas tant l’air de le déranger, il n’a pas l’air d’être souvent agressé comme cela. Ou alors, c’est un habitué, un mec qui tchatche avec tout le monde, j’en sais rien.

Il parle bien, Rémy était un cas à côté de lui. On rigole vachement, j’accroche déjà, c’est fou. Je crois qu’il m’en faut peu. C’est fini, je ne fais plus les mêmes conneries, il n’habite pas aussi loin, je le vois d’abord. Il faut se fixer des objectifs concrets pour y arriver.

Après quelques jours de négociations et de discussions, il me donne son Facebook. Minute d’euphorie. C’est à la vue de ses autres photos que j’éclate de joie. Il a tout. Avant, j’avais des doutes, là non. Il est celui que je veux.

 

« When I see your face, there’s not a thing that I would change. »[1]

 

Dès lors, mon unique but est de le séduire. J’ai finalement l’air d’être pas trop mauvais, puisqu’en une semaine à peine, j’ai déjà « My date »[2]. C’est fou ce qu’on obtient vite ce qu’on veut quand on le veut vraiment ! C’est plutôt rare pour être signalé.

Les jours passent vraiment trop lentement, je deviens impatient et nerveux, besoin de vite passer ces longues heures avant de le voir, pour de vrai.

Je crois bien qu’il me plait, dans sa mentalité, dans sa façon de me répondre. Mais y en a marre de s’enflammer et de retomber trop vite sur terre, je me préserve désormais. Voyons-nous, on verra après.

3 Octobre 2010.

C’est aujourd’hui. Un stress inhabituel et assez incroyable m’habite. Meaux, lieu de notre rencontre. Je ne connais rien à faire là-bas, à part peut-être le ciné, le Mc Do, ou le bar.

J’arrive terriblement en avance, je n’ai jamais mis aussi peu de temps pour me préparer à un rendez-vous. Les clopes défilent, l’impatience et le stress reprennent le dessus.

Son train arrive, je sais exactement lequel est-ce. Je le reconnais, au loin. Il est là, il est finalement comme en photo. Il est grand, costaud, la barbe des 3 jours. Je reste planté là, à le regarder, pendant qu’il me cherche. Comme ce sentiment de ne plus rien voir aux alentours, de ne plus rien penser de notre vie, de ne plus réfléchir à quoi que ce soit, lorsqu’il est là, pour la première fois.

Je ne sais pas si on appeler ça un coup de foudre, c’est une expression de nana un peu banale et un peu abstraite. Mais je suis carrément sur le cul, pétrifié à le voir si près de moi. Je vis carrément autre chose, ce ne sont plus ces histoires d’amour virtuelles et sans fond, là c’est du concret. Il m’impressionne, et en même temps il m’intéresse. Je ne dois pas laisser ma chance de côté, je dois la saisir.

Oui, il est beau, d’origine Serbe, châtain-brun, les yeux verts. Il n’a rien à voir avec tous les autres, il a une prestance, une classe, un charisme qui se lie bien avec la façon dont il me parlait.

J’y vais. Tout sourire, il me sert la main, il me vouvoie, ce con. On trouve finalement plein de sujets de discussions sur le chemin, on apprend à se connaitre. Aleks est finalement quelqu’un d’assez cool, il n’a qu’un an de plus que moi, il est jeune encore.

Des fois, on est finalement attachés aux choses que l’on ne remarque pas. Là c’est le cas. Au-delà du physique, de la drague, de l’intelligence, c’est le ton que l’on accrédite à une personne. Il me parle différemment qu’au téléphone, je ne suis plus son pote, je suis un peu plus, il a une voix beaucoup plus douce et agréable, il est gentil.

Il apporte ce côté rassurant qu’il manque chez les gays, qu’il me manque aussi, d’ailleurs. J’essaie péniblement de trouver ses plus gros défauts, compliqué.

Des heures longues à se parler, à échanger sur nos vies. J’apprends qu’il n’a pas connu d’autres garçons que moi. Là aussi, je suis sur le cul. Personne ne sait ses attirances, de son côté. De ce point de vue, j’ai une longueur d’avance. Il n’assume pas vraiment, voire même, il doute.

Après un verre, la pluie s’abat terriblement fort. Il sort son parapluie, on court, je m’empresse de venir en dessous, j’ai failli me viander, puis il s’arrête. Premier regard dramatique, tête à tête, celui qu’on verrait presque dans les films hollywoodiens. Il me dit juste « Ça va ? », j’acquiesce, on repart. J’ai le sang qui tourne, j’ai le cœur qui bat, j’ai presque besoin de m’évanouir. Je dois être parfois une vraie folle.

On va au ciné, finalement. Il y a ce moment fatidique, où l’on découvre les goûts de l’autre. Je me rends compte que j’ai des goûts radicalement différents des siens. Il est plutôt films d’action, peu de place aux sentiments, c’est un mec, quoi. Moi tout l’inverse. On se met finalement d’accord sur un film dont on se fout totalement, l’un comme l’autre.

Places du fond, on va au ciné pour ne rien voir. Au bout d’une demi-heure, je ne suis même pas l’histoire, perdu dans mes pensées et dans les SMS que mon meilleur ami m’envoie. Il se fout de ma gueule, il me demande qu’est-ce que je fous. Bonne question !

Et puis voilà, j’oublie (un peu) ma timidité, et j’envoie un SMS à Aleks, alors qu’il est juste à côté.
« Tu sais de quoi j’ai bien envie ? » Lui envois-je, avec un smiley gêné. La tentative d’approche la plus ringarde et bidon qu’il puisse exister.

Il le lit, me regarde, et sourit. Et soudainement, il met son bras dans ma nuque, et m’embrasse amoureusement. Gosh[3]. Je n’ai jamais autant compris l’intérêt et la signification d’un baiser, jusqu’à cet instant.

C’est là qu’il me prit, dans ses bras. Il me serra si fort, si intensément, que je compris qu’il ressentait la même chose que moi. Le moment le plus romantique de ma jeune existence. Le film n’était vraiment qu’une excuse, un refuge pour un grand moment. Il m’a fait craquer, voilà.


« It’s like I waited my whole life, for this one night, let’s go me and you on the dancefloor. »[4]

Il est là, l’homme que je cherche, il est à côté de moi. Je me mets à sourire débilement, tout seul, comme si j’avais tout acquis. Je me sens heureux ; là aussi, c’est plutôt rare pour être signalé.

Comme deux enfants découvrant l’Amour, la journée n’a jamais été aussi belle, et courte à la fois. À l’heure de partir, le fait de se quitter pour une durée indéterminée reste un déchirement. Enfin, ça marche dans les deux sens. Je ne suis plus le seul à attendre quoi que ce soit.

Plus les jours passent, et plus on apprend à connaître les défauts de chacun. Les siens ne me dérangent vraiment pas, ils m’attirent même presque davantage. C’est bien le seul qui réussit à m’éclairer sur ce que je veux vraiment, il pose les bonnes questions, il me répond clairement. Il n’y a pas d’incompréhensions, de secrets, de vices cachés. Enfin une relation calme et posée ! C’était sûrement ce qu’on cherchait lui et moi.

Aleks et moi, nous nous voyons beaucoup plus souvent que mes précédents, c’est beaucoup plus vrai. Nos rendez-vous restent toujours aussi attendus, toujours aussi intenses. Ça ne m’était finalement, jamais arrivé.

Cependant, nous nous sommes mis d’accord pour attendre le bon moment pour nous deux, pour voir plus loin, pour véritablement, faire l’amour. En y pensant, c’est bien plus logique, et respectueux pour son compagnon. Ça doit être bien plus inné que si c’était prévu à une certaine date, bien plus réfléchi que sauvage, c’est ce que peu de gays ont compris dans la « communauté ».

Un mois et demi ont déjà passé. On en garde finalement que de bons souvenirs. Aleks veut s’affirmer et avouer mon existence à ses proches, mais il hésite encore. En Serbie, l’homosexualité est rarement acceptée comme chez nous. Les folles ne trainent pas les bars, comme au Marais.

Il est évident qu’avec son physique, il doit en laisser plus d’un bouche-bée. Pour ceux qui ne connaissent pas ce monde, on a plutôt tendance à voir les pédés avec des plumes aux culs, tout maigres, et finalement peu virils. C’est loin d’être son cas.

Avec du courage, il finit par le dire à sa mère. « Ce n’est pas bien », elle lui répondit.

Mais merde ! Qu’est ce qui n’est pas bien ? Le fait de vouloir vivre heureux ? L’envie d’aimer, sans retenue, en toute liberté ? Je ne comprends décidemment pas les gens.

Aleks reste affecté par cette histoire, mais ne me le montre pas. Mais je le vois.

On a tendance à retomber dans l’enfance, parfois. Quand nous sommes loin, l’un de l’autre, nous procédons à des passe-temps complètement cons. Je me rappelle lui avoir écrit sur un vieux post-it dix qualités, correspondant aux dix lettres de son prénom. Et je lui développais tout cela. Pendant ce temps, lui me faisait un dessin, etc.

« Darling, I love you
Et puis le reste, on s’en fout
You are for me, for me, for me
Formidable. » [5]

Nos plus beaux souvenirs resteront très sûrement nos romans par SMS, nos poèmes longs à n’en plus finir. Une preuve d’amour, pas trop fréquente, qui donne du baume au cœur, et qui nous rappelle que l’on est soutenu. Une fois, il réécrit son statut MSN par « Dans la vie, on n’aime qu’une fois, L. ».

Cette phrase me marque. C’est vrai que mes « pseudos-ex » sont derrière moi, ils sont bien loin de mon bonheur sans fin avec Aleks. Il a toujours cette phrase si bateau et si conne pour me faire sourire, je crois que j’aime aussi les phrases qui ne veulent rien dire, parfois.

Quand il voit mes œuvres, il rit, son sourire est pour moi le plus beau cadeau que l’on puisse m’offrir. Je rends enfin heureux quelqu’un. Ma vie a un sens, Aleks me tire vers le haut. À chaque fois, son sourire me rappelle à quel point je l’aime terriblement.

Trois mois. Nouvelle année, nouvelles ambitions. L’envie d’oublier une année 2010 pourrie, qui s’est malgré tout bien terminée. J’ai trouvé mon repère, mon envie de me sortir de tous mes problèmes, celui qui me rappelle tout ce que je défends, tout ce que je combats.

Aleks va l’avouer à son grand frère. Ce mec-là est finalement aussi costaud qu’Aleks, d’après les photos, avec quand même, une vraie tête de vainqueur. C’est un bonhomme quoi.

Aleks sent que notre histoire n’est pas qu’une connerie, et qu’il commence à connaître sa sexualité. C’est un mec qui hésite beaucoup, il a besoin de s’affirmer.

C’est du sérieux, c’est confirmé, c’est sûr. Ma mère est au courant, elle doit faire avec, je le changerai pour rien au monde, et surtout pas pour elle.

Elle me propose de l’inviter à la maison, à ma grande surprise. Je ne sais pas si elle fait ça par curiosité profonde ou par véritable esprit de famille. Bref, j’accepte sans hésiter.

Vendredi 11 Février 2011

Le voilà chez moi. Il se ramène, toujours avec la même dégaine. Il est poli, bien élevé, il a très sûrement surpris ma mère, par sa prestance, et par son physique.

Devant ma mère, on se tient bien, on cache tout ce qu’on ressent. Dans son dos, on s’embrasse assez sauvagement derrière tous les murs.

Chacun de ses baisers est comme un RedBull que j’aurai pris cul-sec. Un grand bol d’air frais, une tendresse inégalée. Des injections de bonheur à n’en plus finir, une drogue illimitée. Ses bras sont comme un refuge derrière toutes mes peines.

En voiture, sur le chemin du retour, il me prend malencontreusement la main. Je sens ma mère silencieuse, beaucoup moins optimiste à l’idée de me savoir heureux. La revoilà, ma vraie mère.

Il repart. Je me prends une séance de reproches, pour l’avoir amené ici, pour avoir « manqué de pudeur ». Ma mère invente même auprès de Ludy, l’idée que l’on serait sorti tous rouges de ma chambre, laissant l’impression d’avoir commis « le pêché de chair » dans sa maison. La blague !

M’enfin cette journée se termine bien, j’ai pu montrer qui j’étais à ma mère, et j’ai vu mon putain de mec, mon chéri, quoi. Comme des ambitions d’avenir m’envahissent. Dans un an et demi, j’ai 18 ans, j’ai mon bac, je pars. Et je compte bien emmener Aleks avec moi. C’est le genre de mec à vous faire rêver sans même vous parler du futur.

« Cause if your love was all i have, in this life,
Well that would be enough, until the end of time,
Cause I’m gonna love you boy
Until the end of time. »[6]

 

L. a éclos. Il était temps.



[1] Bruno Mars – Just the way you are

[2] My date : Mon rancard

[3] Gosh : Mon dieu !

[4] Chris Brown - Forever

[5]Charles Aznavour – For me, for me, formidable

[6] Justin Timberlake / Beyonce – Until the end of Time

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  • Voici ma première autobiographie. Je veux montrer qu'il n'est pas nécessaire d'avoir la cinquantaine, ou d'avoir fait la guerre, pour avoir du recul, sur son existence. L'important est de commencer, par le commencement.
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